A propos

La Laïcité : historique, définition, problèmes et solutions

Dans ce texte, nous avons réuni ce qui fait sens pour nous, lorsque nous parlons et débattons de la laïcité. (mise à jour août 2020)

Pourquoi ?

Parce que depuis les attaques terroristes de janvier et novembre 2015, la nécessité de se battre pour la laïcité est apparue évidente auprès de la plupart de nos concitoyens. Nombre de spécialistes, journalistes, politiques, enseignants, philosophes, religieux y vont donc de leur définition et de leur analyse, concluant très souvent à l’importance capitale de ce principe républicain qui permet à tous les citoyens, croyants de toutes les religions ou agnostiques ou athées, de vivre harmonieusement dans l’espace public.

Ayant le souci d’une synthèse courte mais complète et compréhensible, nous commencerons par rappeler succinctement ce qu’a été le combat pour la laïcité, puis nous dresserons l’état des lieux : sur quelle définition actuelle peut-on s’accorder ? Quels problèmes rencontrés dans son application, et pour chacun d’eux, quelles solutions en cours ou à inventer ?

I – Historique succinct du combat pour la laïcité

En matière de laïcité, l’évolution de la législation depuis 1789 a bien été un combat continu contre l’emprise temporelle de l’église catholique, jusqu’à ces dernières années où l’islamisme s’est invité par des provocations de plus en plus nombreuses, puis de façon violente, ayant pour but déclaré d’imposer un Etat islamique sur toute la surface du globe.

Rappelons les principales étapes :

En 1789, après des siècles de domination des catholiques, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen affirme la liberté de conscience ainsi que la liberté de religion et de culte, mais elle n’est qu’une déclaration qui n’a pas valeur de loi… Il faudra de nombreuses années pour que, progressivement, l’état-civil, le mariage, les enterrements deviennent des actes civils obligatoires, dégagés de l’emprise catholique.

Par les lois Ferry (1881-1882), l’école publique devient gratuite, laïque et obligatoire. Les enseignants seront désormais formés et payés par l’Etat. La République va ainsi pouvoir instruire tous ses enfants pour qu’ils deviennent des citoyens éclairés.

La loi de 1905 institue la liberté de conscience et la séparation des églises et de l’État ; ce dernier ne reconnaît ni ne salarie aucun culte, sauf exceptions… Elle assure le libre exercice du culte, y compris dans l’espace public, sous réserve du respect de l’ordre public. Convenons que ce n’est pas une loi antireligieuse : elle permet, au contraire, l’exercice de toutes les religions par ceux qui le souhaitent, mais les écarte du fonctionnement de l’État.

La Constitution de 1958, dans son préambule, déclare que « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale » et que « l’organisation de l’enseignement public obligatoire gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État ».

En 1959, la loi Debré reconnaît la liberté de l’enseignement et trouve un compromis à la guerre scolaire en déléguant une mission de service public aux écoles privées sous contrat, moyennant rémunération des enseignants par l’Etat. Elles doivent respecter les programmes officiels, ainsi que la liberté de conscience de leurs élèves, tout en ayant un « caractère propre ».

La loi de 2004, suite à des revendications identitaires, principalement de la part des communautés musulmanes, interdit les signes religieux ostensibles à l’école, au collège et au lycée. Une circulaire de 2012 interdit le voile aux mamans accompagnatrices de sorties scolaires. La jurisprudence, en 2015, assouplit cette interdiction s’il n’y a pas provocation manifeste, ce qui est parfois difficile à trancher pour un chef d’établissement…

La loi de 2010 interdit « la dissimulation du visage dans l’espace public », par souci de sécurité publique. Si la loi a été adoptée en grande partie en réaction au port du voile intégral, ou burqa, elle s’applique également à toute personne dont le visage serait couvert d’une cagoule, d’un masque ou d’un foulard.

En 2012, enfin, le ministre Vincent Peillon, suivi par Najat Vallaud-Belkacem en 2014 et 2015, réintroduisent l’enseignement de la morale et du civisme, promeuvent la Charte de la laïcité à l’école et intègrent  l’enseignement de la Laïcité dans la formation des enseignants.

II – État des lieux de la laïcité : sur quelle définition actuelle pouvons-nous nous accorder ? Quels problèmes rencontrés dans son application ? Quelles solutions en cours ou à inventer ?

  1. Sur quelle définition actuelle pouvons-nous nous accorder ? Nous venons de le voir à travers le rappel de sa construction au cours des deux siècles précédents, la laïcité repose sur quatre piliers :

– la liberté de pensée (de conscience, d’opinion) et d’expression, dans les limites indiquées par la loi (respect de l’Autre),

– la liberté de culte, y compris dans l’espace public, moyennant de ne pas troubler l’ordre public,

– la formation du citoyen par l’école publique et les écoles privées sous contrat (le citoyen étant une personne capable d’opérer des choix lucides, consciente des exigences de la vie sociale, responsable de ses actes).

– la séparation des Églises et de l’État, sauf les exceptions prévues par la loi (Alsace Moselle, Dom-Tom).

  1. Quels problèmes rencontrés ? Quelles solutions ?

Globalement, la laïcité, au sens de cette définition, est respectée en France : la liberté de conscience est totale ; chaque citoyen peut pratiquer ou non une religion, y compris dans l’espace public, moyennant de ne pas troubler l’ordre public ; l’école publique et les écoles privées sous contrat, tant bien que mal, remplissent leur rôle de formation du citoyen ; l’État est dirigé par la représentation nationale et non par les religions.

Malgré ce constat, le diable s’invitant dans les détails, des problèmes surviennent, bien sûr : nous allons les lister et essayer de les analyser en suivant ces quatre piliers.

1er pilier : la liberté de pensée et ses corollaires les libertés de conscience, d’opinion, d’expression

Les plus récentes et les plus importantes tentatives de sape de ce pilier sont, bien évidemment, les attentats terroristes… Nous ne pouvons tolérer que des « fous de dieu » islamistes tentent d’imposer leur propre loi en assassinant leurs cibles, quelles qu’elles soient ! Rappelons-nous qu’ils avaient commencé à Toulouse en 2010. Rappelons-nous les guerres de religion à toutes les époques et encore dans de nombreux pays de nos jours… La folie de l’homme existe, malheureusement ; il faut essayer de l’éradiquer au maximum par la justice sociale, du travail pour tous, l’éducation citoyenne, le respect des droits de l’Être Humain, la démocratie, mais aussi par des mesures de protection, y compris policières.

Insistons sur le fait que les musulmans attachés à la République doivent aussi prendre leurs responsabilités et se démarquer publiquement des « fous de dieu » afin d’éviter les amalgames que certains, particulièrement les extrêmes, s’empressent de faire… N’hésitons pas à les y inviter…

2ème pilier : la liberté de culte, y compris dans l’espace public, moyennant de ne pas troubler l’ordre public.

Les prières de rues, souvent motivées par l’absence de mosquées, ont pu advenir. Afin de permettre l’exercice du culte, garanti par la loi de 1905, les élus ont aidé à l’installation ou à la construction de bâtiments, en louant ou prêtant des terrains… Ils ont bien fait car il est inadmissible que le culte soit pratiqué dans les caves des immeubles par faute de lieu adapté. Reste la question du financement des mosquées par des mouvements islamistes : même si l’argent n’a pas d’odeur, mettre le ver dans le fruit n’est certainement pas une bonne chose. Il faut instituer des aides légales et transparentes, hors subventions publiques, bien entendu.

Au niveau de la vie quotidienne, des revendications communautaires, surtout musulmanes, sont apparues depuis quelques années dans les restaurants scolaires (pas de porc), les piscines (séances non mixtes), les cours d’éducation physique (tenues inadaptées), de la maternelle à l’université (voiles, abayas), y compris dans l’espace public (burqa et maintenant burquini sur les plages !)… Des intégristes catholiques ont emboîté le pas, revendiquant, eux aussi, des privilèges contraires à la neutralité des Services publics (crèches dans les mairies…). La loi et la jurisprudence ont fixé quelques garde-fous qui permettent de régler ces situations. Lorsqu’elles sont volontairement provocatrices, si le dialogue et l’explication ne suffisent pas, la fermeté doit s’appliquer, y compris par la force de la loi (saisine des tribunaux, exclusion d’un lycée, expulsion éventuelle…).

3ème pilier : la formation du citoyen 

Les écoles, tant bien que mal, remplissent leur rôle. Les écoles privées sous contrat, nous l’avons dit plus haut, assurent une partie de ce rôle par délégation de mission de service public. Mêmes programmes, mêmes obligations de respect des consciences, mêmes contrôles. Il n’est pas sûr que certaines écoles ne poussent un peu trop loin leur caractère propre, mais les abus sont certainement rares et peuvent être dénoncés et sanctionnés si besoin. Faut-il, comme certains le demandent à gauche, revenir sur la loi Debré et rallumer la guerre scolaire ? Non, car il serait dangereux de rompre l’équilibre trouvé depuis plus de 55 ans : soyons vigilants pour faire respecter les textes actuels par l’État et les collectivités territoriales mais ne demandons pas à revenir au serment de Vincennes « Crédits publics à l’école publique ! » Soyons aussi vigilants sur la qualité des enseignements, tant des écoles publiques que privées, ce qui nécessite une formation de haut niveau des enseignants. Participons au bon fonctionnement de nos écoles, là est notre avenir ! Assurons-nous que les élèves se respectent quels que soient leur origine, leur sexe, leur handicap, leur religion ou leur athéisme… Assurons-nous qu’ils apprennent à vivre ensemble au quotidien…

4ème pilier : Séparation des églises et de l’État

Là encore, globalement, il est indéniable que notre pays est gouverné par nos élus et que les religions sont cantonnées à l’espace privé. Ce qui n’empêche pas les intégristes de tous bords de tenter d’influencer les décisions de nos assemblées ou du gouvernement par tous les moyens légaux ou non : manifestations, lobbying, menaces diverses et attentats terroristes. Soyons vigilants, accordons-leur la liberté d’expression, mais refusons tout débordement contraire à la loi.

Nos élus, nos gouvernants et les fonctionnaires sont tenus à la neutralité par rapport aux religions. Cela ne doit pas les empêcher de dialoguer lorsque des événements se produisent qui touchent à la vie collective de nos concitoyens. Dialogue n’est pas soumission. Un exemple : l’accueil, par un élu, d’un chef religieux relève plus de la politesse envers la personne et le groupe concerné que d’une atteinte à la laïcité. Demandons-nous si une réaction vive contre cet accueil ne serait pas plus contre-productive que le silence… Ne devrait-on pas considérer les associations cultuelles comme n’importe quelle association culturelle ou sportive ? De nombreuses communes mettent en place des comités consultatifs, souvent dénommés « Conseils de la Laïcité », qui rassemblent autour de la même table les représentants des religions, des associations philosophiques, des élus et de l’administration afin de trouver ensemble des réponses aux problèmes de cohabitation des communautés. Ne vaut-il pas mieux prévenir par le dialogue que guérir par la force ?

Un dernier mot sur la montée du Front/Rassemblement National et sa capacité à récupérer les concepts défendus par ses adversaires. Le projet du RN comprend un chapitre « Laïcité » très proche de ce que nous en disons ici. Le dérapage arrive dans les « détails » d’application à la vie quotidienne où il est flagrant que du rejet logique de l’islamisme on passe insensiblement au rejet de toutes les habitudes de la culture musulmane. Il faut dénoncer ces dérives discriminatoires avec précision sous peine de victimiser ce parti auprès de l’opinion publique et de lui accorder ainsi encore plus de crédit.

Certains politiciens – voir le programme de quelques candidats à la présidentielle de 2017 – font de la surenchère pour chasser sur les terres du FN : ils ne font que discréditer un peu plus la Politique !

En conclusion, devant chaque difficulté, sachons hiérarchiser les problèmes en fonction des piliers qui fondent notre Laïcité, expliquons, dialoguons mais dénonçons toutes les dérives et soyons fermes sur les limites définies par la loi.

Individuellement et collectivement, continuons à développer une Fraternité* concrète à travers toutes les activités qui permettent de tisser du lien social, c’est-à-dire d’apprendre à se connaître et se respecter les uns les autres : fêtes de la Citoyenneté, inaugurations d’espaces dédiés à la laïcité, rencontres républicaines conviviales, repas du monde participatifs, spectacles par les jeunes des cités, ateliers de réflexion sur le thème « Qu’avons-nous fait depuis le 11 janvier pour le Vivre Ensemble ? » et toutes les formes d’expression culturelles et artistiques rassemblant dans la diversité…

* Voir les livres « Plaidoyer pour la Fraternité », d’Abdennour Bidar et « De l’amour » de Luc Ferry

Le Collectif LEF65

* Voir le livre « Plaidoyer pour la Fraternité », d’Abdennour Bidar